Jusqu’ici, et c’était une excellente chose, la Belgique faisait partie des rares pays européens à ne pas taxer les plus-values sur titres pour les personnes physiques. Mais c’est fini. Cette exception va disparaître en fin d’année et, à partir de 2026, avec l’entrée en vigueur d’un nouvel impôt sur les plus-values mobilières, les règles du jeu vont changer.
Présentée comme une mesure de « solidarité fiscale », cette réforme soulève de nombreuses interrogations pour les investisseurs privés, les familles actionnaires et les entrepreneurs. Si vous êtes dirigeant d’entreprise, il est temps d’en mesurer les impacts…
Un tournant politique et fiscal
L’idée d’une taxation des plus-values n’est pas neuve. Elle refait surface régulièrement dans les débats politiques, sous l’impulsion de partis plaidant pour une fiscalité plus équitable entre les revenus du travail et ceux du capital. En 2024, dans le cadre du budget fédéral et sous pression de la coalition Vivaldi, le gouvernement De Croo acte une décision de principe : les plus-values réalisées par les particuliers sur leurs investissements financiers seront taxées à partir du 1er janvier 2026. Dont acte !
Ce que prévoit la réforme, à l’heure d’écrire ces lignes…
La nouvelle taxe prévoit un prélèvement de 10 % sur les plus-values réalisées lors de la vente d’actifs financiers (actions, obligations, fonds, contrats d’assurance branche 21/23/26, ETF, cryptoactifs, devises). Elle ne concerne que les personnes physiques, pas les sociétés. Une exonération annuelle, de 10.000 euros, indexée, est toutefois prévue pour tous les contribuables. Elle peut même être portée à 15.000 euros si elle n’a pas été utilisée pendant cinq ans. S’y ajoute une exonération spécifique pour les actionnaires détenant au moins 20 % du capital d’une entreprise ! Dans ce cas, la première plus-value d’un million d’euros est exonérée. Au-delà, un taux progressif s’applique : 1,25 % jusqu’à 2,5 millions d’euros, 2,5 % jusqu’à 5 millions, 5 % jusqu’à 10 millions, et 10 % au-delà. Notons quand même que les épargnes pension et les assurances groupe ne sont pas concernés par la taxation. D’autre part, il sera également possible de déduire les moins-values réalisées mais uniquement de ces catégories de revenus et sans possibilité de reporter sur les périodes imposables futures.
Cas concrets parlants pour bien comprendre…
Prenons l’exemple d’une personne qui détient 15 % des parts de l’entreprise familiale. En vendant ses actions avec une plus-value d’un million d’euros, elle devra payer 99.000 euros d’impôts, car elle ne bénéficie que de l’exonération générale de 10.000 euros. Si elle détenait 20 %, l’ensemble de cette plus-value aurait été exonéré. À l’inverse, un entrepreneur qui vend sa société via une société de management n’est pas concerné par cette nouvelle taxe : les plus-values dans ce cas précis restent traitées selon l’impôt des sociétés.
Les enjeux pour les dirigeants de PME
Dans l’absolu, nous dirons que cette réforme crée une distinction forte entre actionnaires majoritaires et minoritaires. Pour bénéficier du régime favorable, il faut détenir 20 % du capital, seul ou via des proches. Ce seuil peut avoir des conséquences importantes sur la gouvernance, la structuration du capital et la planification successorale. Pour les entreprises familiales, cela oblige également à repenser les schémas de transmission, parfois en accélérant des donations ou en réorganisant les participations. Pour les entrepreneurs souhaitant vendre leur société dans les prochaines années, il devient crucial de préparer la vente avant 2026 ou d’évaluer les possibilités de montage (vente via société, étalement, regroupement familial…).
Anticiper pour optimiser
Présentée comme une mesure d’équité, cette taxation risque surtout de pénaliser les profils prudents ou familiaux, qui investissent à long terme et sans structuration complexe. Elle introduit aussi une nouvelle couche de complexité fiscale à un moment où la stabilité réglementaire est un enjeu crucial pour les PME. Les dirigeants avisés ont donc tout intérêt à analyser leur situation dès maintenant. Notre conseil : structurer son actionnariat, évaluer les plus-values latentes, anticiper les transmissions, bref autant d’actions à mener pour limiter l’impact de cette réforme. En fiscalité comme en stratégie, mieux vaut prévenir que guérir.
Plus d'infos
Service transmission – Benoit Lescrenier – Tél. : 0496 55 70 88 – benoit.lescrenier@ccilb.be